Interview

Investissements décarbonés : comment concilier ambition et pragmatisme

Dans le cadre du Pacte vert, l’Union européenne vise la neutralité carbone pour 2050 avec une étape intermédiaire : - 55% d’émissions en 2030 comparé à 1990. Cela contraint les acteurs économiques à s’engager dans des trajectoires ambitieuses de décarbonation de leurs investissements. Mais qu’est-ce que cette ambition ? Et comment la traduire ? Les réponses de Guillaume Lasserre, Directeur adjoint de la Gestion chez LBP AM.

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Portrait de Guillaume Lasserre

L'ambition ne consiste pas à choisir des activités d'ores et déjà neutres, mais à investir dans une activité à forte empreinte carbone qui a correctement planifié la réduction de celle-ci dans les années qui viennent.

Guillaume Lasserre — Directeur adjoint de la Gestion chez LBP AM, société de gestion du groupe La Banque Postale.

Un investissement décarboné ambitieux impose des clés de lecture différentes

D’où une lecture différente des enjeux d’investissement : « Accompagner une telle transition impose d’appréhender un objectif trajectoriel, et donc de prendre en compte des éléments autres que la photo actuelle de la situation de l’entreprise, signale Guillaume Lasserre. Cela veut dire comprendre tous les process activés en fonction de cette dynamique, sur différents termes ».

Première difficulté pour les investisseurs : identifier les sociétés qui engagent cette transformation de manière pertinente et efficace. « Le jugement porté doit se faire dans une temporalité différente de celle pratiquée traditionnellement par les investisseurs. Il faut construire une évaluation où les hypothèses et la stratégie s’établissent sur des informations futures ». Car les entreprises aux trajectoires établies et validées en matière de décarbonation ne représentent que 10 % de l’économie mondiale. Donc « les investisseurs doivent également aller vers des entreprises dont la trajectoire n’est pas encore aboutie, mais qui présentent certains paramètres témoignant d’un engagement réel ».

Investissements décarbonés, performance financière et avantages compétitifs

Certains institutionnels transforment déjà leurs portefeuilles d’actifs en Europe à la faveur de mandats alignés sur les Accords de Paris. Mais un bruit de fond risque de perturber cette impérieuse nécessité d’accompagner la transition de l’économie. « Aux Etats-Unis, des États, souvent gouvernés par les Républicains, clament que la prise en compte d’objectifs climatiques dans les investissements peut nuire à la performance de ces derniers. Pour eux, la décision ne relève pas des investisseurs mais des décideurs politiques. Ils définissent le rôle des investisseurs autour de la seule notion de performance financière. Ces mêmes Etats détiennent la supervision d’actifs conséquents, comme ceux des fonds de pension d’agents publics, et ils ont déjà retiré des mandats à des institutions qui poursuivent des engagements contre le réchauffement climatique ». Le sujet n’est pas disqualifié selon Guillaume Lasserre mais sa temporalité s’en trouve affectée : « Cela reporte la nécessité d’agir sur du moyen et long terme alors que l’actualité montre bien que les incidences du réchauffement climatique sont très prégnantes. On observe dès à présent les impacts financiers de ces dernières dans l’assurance ».

Autre conséquence du positionnement de certains pays et régions économiques : la crainte d’une perte d’avantages compétitifs pour les entreprises financières européennes à implantation mondiale. « Les assureurs, les banques ou les sociétés de gestion de l’Union européenne sont tenues par cette obligation de neutralité carbone en 2050. Elles se sont engagées dans cette voie en repensant leur gouvernance et leurs objectifs globaux. Mais avoir des contraintes business spécifiques rend le jeu concurrentiel difficile pour ces entités, quand il s’agit de décliner ces objectifs au sein de leurs investissements, leurs financements, leurs offres ». 

Construire son portefeuille Net Zero 2050 : quels paramètres prendre en compte ?

Outre celles du secteur financier, les entreprises sont concernées par la décarbonation progressive de leurs investissements, et « les grands groupes peuvent présenter une spécificité supplémentaire : leurs fonds de pension, lorsqu’ils les détiennent en direct. Leur réflexion peut être facilitée, par le fait que l’horizon à 20 ans de ces fonds est aligné avec celui de la neutralité carbone. ».

Pour décrypter un sujet somme toute mal balisé, mal étayé et qui nécessite une approche spécifique, s’appuyer sur une société de gestion fait sens : « Si pour certains secteurs d’activité les standards permettant la décarbonation ont été définis, il reste difficile d’identifier les entreprises qui s’y conforment. Rares sont celles qui disposent d’une trajectoire validée. Et pour certains secteurs, aucun cadre n’est encore fixé. Lorsque LBP AM accompagne un client dans sa stratégie d’investissements Net Zero, le portefeuille et la stratégie d’investissement sont construits sur-mesure. Tous nos clients n’ont pas les mêmes objectifs sur leurs investissements financiers car leurs situations diffèrent. Parfois, il faut mettre en place une trajectoire ambitieuse sans changer le portefeuille existant, dans d’autres cas, c’est le portefeuille d’investissement qui doit être revu fortement car l’évolution de l’activité cœur de l’entreprise va s’avérer très complexe ».

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