Interview

Reporting extra-financier : comment dépasser l’obligation réglementaire pour atteindre l’utilité ?

Le reporting extra-financier, qui se traduit en France par la déclaration de performance extra-financière et prochainement par un rapport de durabilité, pour être utile à la stratégie d’entreprise, doit être pensé comme une démonstration. Rozenn Le Sommer, directrice de la performance extra-financière au sein de La Banque Postale explique pourquoi et comment y parvenir.

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Portrait de Rozenn Le Sommer

Plutôt qu’une approche multidirectionnelle, mieux vaut débuter en agissant sur un paramètre très impactant et travailler en profondeur pour atteindre une réelle amélioration.

Rozenn Le Sommer (© Thierry Fanchon) — Directrice de la performance extra-financière au sein de La Banque Postale

Le reporting extra financier est une obligation légale qui, en France, se traduit par une exigence, une déclaration de performance extra-financière (DPEF), pour les sociétés cotées avec plus de 500 salariés ou un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d'euros et, pour les sociétés non cotées ayant plus de 500 salariés avec un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d'euros. Au 1er janvier 2024, le périmètre et les obligations liées au reporting extra-financier changeront avec l’entrée en vigueur de la Corporate sustainability reporting directive ou CSRD. Ainsi, le nombre d’entreprises assujetties à la publication de données de durabilité devrait passer d’environ 10 000 à plus de 50 000 dans l’Union européenne. Mais obligation légale ou pas, le reporting extra-financier « n’est pas une finalité en soi, pointe Rozenn Le Sommer. C’est une exigence qui permet de traduire en actes la prise de conscience présente à tous les niveaux de la société que notre environnement climatique subit de profonds changements, que les ressources sont limitées et qu’il est donc nécessaire d’infléchir les comportements. Pour les entreprises, cela signifie un virage dans leurs flux d’affaires ». Achats, productions, ventes, financements, investissements, le reporting extra-financier doit être appréhendé comme « une manière de regarder la carte ; il a donc vocation à éclairer les décisions ».

Plus qu’un reporting extra-financier, une démonstration de durabilité

Dans cette logique, il doit se construire avec l’écosystème de l’entreprise, notamment ses clients et fournisseurs. « C’est déjà le cas pour un certain nombre d’entreprises, celles qui ont des donneurs d’ordre soumis à l’exigence d’une DPEF ou encore celles qui ont besoin d’attirer un certain type de profils de collaborateurs très sensibles à ces questions ». Car, dans les faits, les besoins en matière de reporting extra-financier apparaissent pour bon nombre d’entreprises, en dehors de toute exigence légale. L’attractivité en tant qu’employeur ou la nécessité de se démarquer en tant que participant à un appel d’offres sont de vrais déclencheurs d’« une démarche qui doit être plus qu’un reporting, plutôt une trajectoire. Et qui doit dépasser l’extra-financier, pour penser durabilité et performance globale» souligne Rozenn le Sommer. « En adoptant une communication claire et transparente sur ses engagements, les moyens concrets mis en œuvre pour les atteindre, et les résultats obtenus, l'entreprise peut s'assurer de la confiance de ses clients et de ses parties-prenantes, et ainsi éviter tout risque d'image ou de greenwashing. »

S’approprier les apports de la directive européenne (CSRD)

La perspective de la CSRD ne doit donc pas être la seule boussole des entreprises, d’autant que celle-ci a connu des aménagements par rapport à son périmètre d’entrée en vigueur et aux jalons définis. « Par ailleurs, les textes peuvent paraitre comme manquant de précisions pratiques ou trop contraignants. Il faut les aborder comme une base de travail, un référentiel commun au sein de l’Union européen notamment sur les définitions des indicateurs ». L’autre apport de la CSRD est aussi son approche qualitative et ambitieuse : « La directive dépasse la notion de reporting qui dresse un bilan du passé ; les entreprises doivent partir d’un constat sur leurs impacts en matière environnementale, sociale et de gouvernance pour définir une stratégie, un plan de transition, en modéliser les conséquences et les publier ».

Une démonstration de durabilité efficace et utile tient compte des spécificités de l’entreprise

L’exercice, qui doit être efficace au niveau des enjeux macro-économiques, doit aussi être utile à la stratégie même de l’entreprise. Pour y parvenir, il est primordial de tenir compte des besoins spécifiques de l’entreprise et de son secteur d’activité. « Plutôt qu’une approche multidirectionnelle, mieux vaut débuter en agissant sur un paramètre très impactant et travailler en profondeur pour atteindre une réelle amélioration, conseille Rozenn Le Sommer. Dans certains secteurs, cela peut être la baisse de la consommation d’eau. L’éventail des indicateurs au sein des 12 normes définies par la CRSD est très large. Cela permet à chaque entreprise sur la base de son modèle d’affaires et de ses besoins d’identifier celui qui permettra des gains rapides et conséquents ».

Les premiers rapports de durabilité qui sortiront en 2025 dans le cadre de la mise en œuvre de la CSRD seront des premières étapes. « Une progression est attendue : le texte prend en compte qu’il s’agit d’un sujet complexe. Mais comparé aux autres pays européens, la France dispose de certains atouts » dont des entreprises phares, très impliquées en la matière et qui entraînent dans leur sillage leurs prestataires et fournisseurs voire leur branche ou leur secteur d’activité ; des professions conseils dont les commissaires aux comptes qui ne cessent de monter en compétences et bien évidemment La Banque Postale.

Le point de vue de Frédéric Vigier, Directeur des financements structurés

Frédéric Vigier, Directeur des Financements Structurés au sein de la Banque de Financement et d'Investissement de La Banque Postale.

« Nous constatons que les investisseurs tiennent de plus en plus compte des critères ESG dans leurs décisions d’investissements. Le reporting extra-financier peut permettre de valoriser la démarche RSE d’une entreprise, particulièrement lorsqu’elle existe mais avec une formalisation insuffisante. C’est également un outil important pour mesurer l’adéquation entre la stratégie RSE de l’entreprise et les attentes de l’investisseur.
Côté prêteur, ce reporting est un outil de transparence; il facilite la compréhension globale de la stratégie de l’entreprise. C’est également une aide précieuse au calibrage des indicateurs RSE qui accompagnent de manière croissante nos financements et nous permettent de soutenir l’entreprise dans sa transformation durable. »

Pour en savoir plus

Bon à savoir

La Banque Postale a conçu un indice, l’Indice d’Impact Global (2IG), indicateur global de mesure d’impact intégrant les dimensions environnementales, sociales et territoriales afin d’accompagner ses clients dans leur transition.

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