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Croissance mondiale et risques pays : quelles projections pour le second semestre 2020 ?

Dans un scénario où l'on éviterait le retour à un confinement strict, la récession mondiale serait d’environ 5 % en 2020. Cette crise singulière à plus d’un titre entraîne une incertitude globale. Les prévisions sont donc compliquées et la réalité réserve parfois de bonnes surprises, telle la reprise de la consommation en France !

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Fin juin, le Fonds monétaire international (FMI) indiquait que le PIB mondial, l’indicateur de la croissance économique, se contracterait de 4,9% en 2020, alors que deux mois plus tôt il évoquait une récession de 3%. Simultanément, la Coface envisageait à la même date une baisse du PIB mondial de 4,4%. Certes l’économie mondiale n’en est pas à sa première crise, mais celle que nous connaissons se distingue des précédentes pour plusieurs raisons.

2020 versus 2008-9 : quelles différences ?

Première différence comme une évidence : contrairement à celle de 2008-2009, la crise actuelle est visible, cf. le confinement. Et si le déconfinement instaure un retour au quasi normal, Alain Henriot, responsable des Études
économiques au sein de La Banque Postale, alerte sur le fait que « nous avons fait le plus facile. Nous savons d’expérience qu’une contraction de 3% du PIB comme en 2009, c’est énorme. La récession actuelle est plus forte et pourrait être pour la France de l'ordre de 9% ». De fait, tous les organismes internationaux, dont l’OCDE, ont bâti leurs prévisions selon différents scénarios : pandémie contenue, confinement limité ou véritable seconde vague. Cependant « Les États font tout pour éviter un second confinement même partiel, car cela entretiendrait bien évidemment les effets récessifs », précise l’expert.

2020 se distingue aussi de 2008-2009 en ce qu’elle est une crise véritablement mondiale initiée par des contraintes sur l'offre, comme si l’économie pour un temps, avait été mise sous cloche alors qu’en 2008-2009 il s’agissait d’une crise financière, illustrée par les tensions entre les banques. « Nous aurons une récession mondiale sans précédent touchant aussi bien les pays émergents que l’Europe. Avec des nuances toutefois selon l'intensité des contraintes exercées pour faire face à la crise sanitaire », précise Alain Henriot. Le FMI prévoit que, malgré la reprise attendue en 2021 en cas d’absence de 2ème vague d’épidémie, le PIB national resterait 2 à 5 points inférieur à celui de 2019 aux Etats-Unis, en zone euro, au Japon ou encore au Royaume-Uni.

La Chine, point de départ de la pandémie, qui avait lancé il y a peu un ambitieux programme d’expansion reposant sur un maillage de points de distribution à travers le monde et baptisé Les Routes de la soie, a bien évidemment subi un ralentissement de son activité économique et donc de ses ambitions. « Côté production industrielle, le pays a rattrapé son niveau d’avant crise avec une hausse de 5% sur un an en août. Reste que les années précédentes, le rythme était de plus de 7%, précise Alain Henriot. Le rythme ne compense pas, loin de là, le retard pris durant le confinement. Et côté consommation, si l’on prend l’indicateur des ventes au détail, « en juillet, il restait inférieur à son niveau d'un an auparavant ».

 

France et Europe : une reprise tirée par la consommation

C’est justement la consommation qui peut changer la donne, et de manière positive, comme l’indique Alain Henriot : « Le FMI, comme les autres organisations mondiales, n’a pas totalement ajusté ses prévisions aux toutes dernières informations pour la France, voire pour l’Europe. Du fait d’une forte reprise de la consommation, les prévisions publiées sont sans doute un peu négatives ». Explications.

Alors que sans crise sanitaire, la France tablait sur une croissance annuelle d’environ 1% en 2020, la consommation et l’investissement se sont fortement contractés pendant le confinement. En l’état des prévisions et dans un scénario de pandémie endiguée, le FMI tablait sur une baisse de 11,4% en 2020, puis un rebond de 7,7% en 2021. Sauf que « Dès la fin mai, on notait, grâce au remarquable travail de l'INSEE, une forte remontée de la consommation, laquelle a continué d'être soutenue durant l'été. Cette tendance peut être étendue à l’Europe. Et c’est une bonne surprise ! ». Les ventes au détail en zone euro ont retrouvé dès le mois de juin leur niveau de février. Une surprise car les prévisions des institutions mondiales anticipaient que le taux d’épargne des ménages continuerait à être à un haut niveau même après le déconfinement. « Un autre facteur de soutien pourrait venir du plan de relance récemment annoncé par le gouvernement, dont la mise en oeuvre des dispositions structurelles prendra néanmoins un peu de temps ». (pour en savoir plus, cliquez ici)

Pas de rattrapage immédiat

Selon la Banque de France, les taux de croissance du PIB projetés en 2021 (7 %) et en 2022 (4 %), permettraient de retrouver le niveau d’activité de fin 2019 vers mi-2022 seulement. Compte tenu de la reprise de la consommation, cela pourrait se faire un peu plus tôt. Mais même dans ce cas de figure, « le retard cumulé n’est pas rattrapé, souligne Alain Henriot, et donc cela a des conséquences importantes : par exemple, les recettes publiques vont être moindres qu’escomptées fin 2019 alors que les dépenses publiques vont rester importantes ».

Pertes de production dans certains secteurs - en particulier dans les activités de services et les matières premières, report voire annulations d’investissements des entreprises, moindres embauches, mesures des banques centrales et des Etats qui bien souvent ont reporté et non pas gommé les ajustements inévitables en matière d’emploi et de trésorerie des entreprises, tout cela concoure à une conclusion : « oui le rythme de rattrapage est très rapide mais le retard cumulé est conséquent».

Les défaillances d'entreprises dans le monde

Selon la Coface, les défaillances d'entreprises devraient augmenter d’un tiers d’ici 2021 par rapport à 2019. Parmi les économies matures, les plus touchées devraient être les Etats-Unis (+43%) et le Royaume-Uni (+37%), et coté économies émergentes, le Brésil (+44%) et la Turquie (+50%).